Une conférence à l'école d'architecture de Villeneuve d'Ascq



Henri Chomette, bâtisseur international, s’est d’abord installé à Addis-Abeba, la capitale de l’Éthiopie, comme architecte en chef de la ville. Il a construit beaucoup de grands bâtiments publics ou privés dans d’autres pays du continent africain. C’est à lui qu’on doit le plan de masse du Nouveau Mons et ses réalisations remarquables, comme la Résidence de l’Europe.

Qu’est-ce qui a poussé cet architecte du Sud à se perdre dans les brumes du Nord et à imaginer la Ville Nouvelle ? Quelques mois avant sa mort, en 1995, il donne une conférence à l’école d’architecture de Villeneuve-d’Ascq. Le texte sera publié, quelque mois plus tard, dans la revue de l’école.


« Quand le maire de Mons-en-Barœul, M. Peltier, demande l’aide du ministère, sa commune est encore rurale. Les Lillois achètent le lait des vaches qui paissent dans les prés. Il voit avec une grande inquiétude sa commune se muter en banlieue. Les terrains se vendent au hasard des besoins d’argent des fermiers. D’innombrables demandes de terrains à bâtir s’accumulent à la mairie. Après quelques mois, le maire me confie l’étude du développement de sa ville. Il fallut faire face à la demande et construire, à l’instar d’Alphonse Allais, la ville à la campagne ».

L’architecte se met au travail tandis que débutent les premières réalisations :
« On a commencé, en 1954, par le quartier des Sarts. Vous y trouverez l’abaissement des hauteurs vers l’individu, les unités de voisinage secondaires, la pluralité sociale. Mons-en-Barœul a engagé son développement avec les simples moyens d’une petite commune et d’un architecte, avec sous ses ordres des petites et moyennes entreprises. Mais les compagnons et les petits entrepreneurs ont été réduits au chômage, par l’industrialisation du bâtiment… ».

Le souci des relations humaines

Puis viennent le plan de masse et l’organisation globale de la ville nouvelle… Il essaie d’y équilibrer les relations humaines.
« Avec le bon sens du conseil municipal, nous avions décidé une proportion de 75 % de logements individuels. Les lieux heureux disposent aussi d’un centre d’attraction magnétique où les hommes se rencontrent. Le projet de la cité de Mons se sculptait en forme d’un cône, dont les bords extrêmes se distinguent par une faible densité. Au contraire, le centre s’élevait en hauteur. Là, serait rassemblé le maximum de population susceptible d’animer le cœur de la ville. Les pôles magnétiques – mairie, espace culturel, église, lieux de travail de service et de détente, commerces – appelaient les habitants des secteurs individuels à rencontrer ceux des collectifs, et réciproquement. L’autre intention était de créer, à Mons, d’importantes surfaces d’emploi et d’activité ».

Dirigisme

La phase de réalisation, conditionnée par les données administratives et économiques, fut pour l’architecte une amère déception.

« Le dirigisme inversa carrément la genèse. L’infinie variété des logements fut ramenée à six types, de F1 à F6. Comme il n’était pas possible d’augmenter le prix des terrains, il fallut augmenter les surfaces de plancher à vendre. En cours de réalisation, la hauteur des immeubles a été augmentée 33 %. La place du marché et bien d’autres espaces libres se comblèrent d’immeubles. La proportion des logements individuels est passée de 75 % à 25 %. Au bout de quelques années, Il a fallu dynamiter et refaire des trous dans l’espace et les volumes que l’économie avait tant gonflés ».

Article d'Alain Cadet, paru dans La Voix du Nord, le 25 août 2013.